15 juin 2020
La Cour suprême du Canada tranche en faveur des francophones de la Colombie-Britannique
Communiqués de presse(Service des communications de l’AEFNB – Fredericton) – L’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick (AJEFNB) et l’Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB) se réjouissent du jugement historique qu’a rendu la Cour suprême du Canada, le 12 juin dernier, lequel permettra l’exercice d’un droit à l’instruction dans la langue de la minorité équivalent à celui de la majorité. Il en va du développement et de la pérennité de nos collectivités acadiennes et francophones et nous espérons qu’avec ce jugement, le dossier sera clos et que les gouvernements des provinces et territoires du pays agiront désormais dans le respect de cette nouvelle jurisprudence.
Le 26 septembre 2019, l’AJEFNB et l’AEFNB, représentées par Me Érik Labelle Eastaugh, comptaient parmi les 14 intervenantes dans l’affaire Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique.
Dans son jugement, la Cour suprême du Canada donne raison aux appelants, le Conseil scolaire francophone de la C.-B., la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique, Annette Azar-Diehl, Stéphane Perron et Marie Nicole Dubois, impliqués dans cette affaire judiciaire qui perdure depuis 2010. La Cour leur reconnaît notamment des dommages-intérêts au montant de 7,1 millions de dollars, en plus de leur reconnaître « le droit de bénéficier de huit écoles homogènes qui leur ont été refusées par les juridictions inférieures ».
Le jugement représente une belle victoire pour les francophones de la Colombie-Britannique et une belle victoire pour tous les francophones en situation minoritaire au pays, puisque la Cour en a profité pour préciser plusieurs démarches à employer dans l’application des principes relatifs à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, consciente de la durée d’obtenir un jugement dans un dossier relatif à l’article 23 de la Charte et de l’érosion des communautés francophones dans l’intervalle, la Cour est d’avis « que le temps est venu d’énoncer une démarche simple et prévisible, qui pourrait même permettre d’éviter, dans la mesure du possible, le recours aux tribunaux ».
La Cour en a profité pour « clarifier la marche à suivre pour situer un nombre d’élèves donné sur l’échelle variable ». En effet, l’article 23 prévoit le droit à l’instruction dans la langue de la minorité, laquelle peut varier selon le nombre d’enfants. Par conséquent, le droit à l’instruction peut prendre diverses formes en fonction du nombre d’enfants, allant du niveau inférieur (le droit à l’instruction dans sa langue) au niveau supérieur (« la minorité contrôle un établissement d’enseignement distinct ») de l’échelle variable, dont seuls les principes avaient été énoncés jusqu’à ce jour, lesquels remontaient à 1990 dans l’arrêt Mahé c. Alberta.
Par exemple, dans le cadre de cette marche à suivre, la Cour précise qu’afin de situer le nombre d’élèves sur l’échelle variable, l’on peut procéder à une comparaison avec des écoles de la majorité où l’on retrouve un nombre semblable d’élèves où qu’elle se trouve dans la province et non seulement dans la région en question. La Cour rejetait par le fait même l’un des arguments de la province, tout en affirmant que : « [l]’isolement culturel des minorités visées par l’art. 23 est une situation qui, quoique différente à certains égards, est similaire sur le plan sociolinguistique à l’éloignement géographique de certaines communautés issues de la majorité ».
La Cour précise également que l’article 23 de la Charte est une disposition « dont la violation est particulièrement difficile à justifier » au regard de l’article premier. Bien que la Cour ne rejette pas catégoriquement la possibilité que les fonds publics puissent constituer un objectif urgent et réel justifiant la violation de l’article 23, elle l’a rejetée dans la présente affaire : « À mon avis, les juridictions inférieures ont commis une erreur en statuant que « l’affectation juste et rationnelle de fonds publics limités » constitue en l’espèce un objectif urgent et réel. Par définition, les fonds publics sont limités. Tout gouvernement affecte ses fonds entre ses divers programmes, et ce, selon certains barèmes et de la façon la plus équitable possible. Si le simple fait d’accoler les mots « juste et rationnelle » au mot « affectation » permettait de faire de l’affectation de fonds publics un objectif urgent et réel, il serait alors loisible à tout gouvernement de déroger aux droits fondamentaux avec une aisance déconcertante ».
Enfin, notons que la Cour devait se pencher sur la question de savoir si l’immunité restreinte dont bénéficie l’État en matière de dommages-intérêts s’applique aux décisions prises en vertu de politiques gouvernementales qui sont déclarées contraires à l’art. 23? À cet égard, la Cour était d’avis que « la règle générale demeure. L’État peut être condamné à verser des dommages-intérêts lorsque ceux-ci constituent une réparation convenable et juste eu égard aux circonstances. L’État peut cependant invoquer des considérations liées à l’efficacité gouvernementale pour éviter une telle condamnation. Une loi déclarée invalide postérieurement à l’acte à l’origine de la violation est un cas d’espèce où l’État peut s’opposer au versement de dommages-intérêts, mais ce dernier ne jouit toutefois pas d’une immunité à l’égard des politiques gouvernementales qui portent atteinte aux droits fondamentaux ».
L’AEFNB a pour mission de favoriser l’avancement de l’éducation en français, de représenter les intérêts de la profession enseignante et de valoriser la langue et la culture françaises. Elle représente quelque 3 000 enseignantes et enseignants œuvrant dans les écoles publiques de la maternelle à la douzième année ainsi que les enseignantes et enseignants suppléants.
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